Fiction : Un enfant s'évade, la rafle du Vel' d'hiv'

1/ De varsovie à Paris
Un jours, j'ai décidé que je ne ferais rien comme tout le monde. C'était le jour de ma naissance. J'ai poussé mon premier cri le 29 février 1928, ce qui signifait que je ne fêterais mon anniversaire qu'une fois tous les quatres ans. Une autre particularité me distinguait de mes deux soeurs. Rosine et Fanny, et de mon frère Bernard : ils étaient tous trois nés à Varsovie, en Pologne, comme nos parents, et moi à Paris, ou la famille avait choisi d'émigrer. En 1927, la Pologne n'était vraiment pas un pays accueillant pour les juifs. On ne les aimais pas. On les montrait du doigt, on leur lançait des pierres et parfois on les tuait.
Mes parents étaient juifs. Ils ne croyaient pas en Dieu, n'allaient pas prier le samedi à la synagogue, et pensaient que tous les hommes sont égaux. Mais quand on s'apelle Pytkowicz, on est juif. Je crois que pour eux cela signifait parler yiddish, et combattre toutes les injustices.
Nous habitions le VIe arrondissement, à l'angle de la rue des Canettes et de la rue du Four. C'est un très beau quartier, beaucoup de gens riches y habitent. Mais nous, nous étions pauvres. Nous vivions à six dans un appartement de deux pièces, sans eau, sans électricité. Les toilettes se trouvaient entre deux étages. Ce que je redoutais le plus au monde, c'était d'avoir envie de faire pipi en pleine nuit et d'être obligé de descendre tous seul dans le noir.
Brrrr...
On mangeait peu, mais on s'aimait beaucou. J'allais à l'école rue Madame et je m'étais fait un ami. Il s'appelait Jean Haut. Lorsque les maîtres lui demandaient, en haussant un sourcil :
-Comment ça s'écrit ?
Il épelait :
-H-A-U-T.
Bien entendu, tout le monde entendait "a chahuté", et les éclats de rire fusaient.
Jean habitait un bel appartement, près du jardin du Luxembourg. Il possédait ce qui faisait briller les eux de tous les petits garçons à cette époque : un train électrique magnifique et on passait des heures à reconstruire le circuit, à jouer au chef de gare. Pour moi qui n'avais pas de jouets, c'était comme un rêve éveillé. Le domanche, je rejoignais mes parents au marché aux Puces. Papa était brocanteur, et Maman traavaillait avec lui. Mes puces, c'est comme mille trésors qui se reflètent dans mille glaces. On y trouve tout et n'importe quoi. Ce que l'on cherche et ce que l'on ose ésperer. J'adorais me promener entre les vieux jouets, les uniformes de la Grande Guerre, les chapeaux à plusmes, les télescopes rouillés...
La vie était difficile, mais belle. Malheureusement, ça ne devait pas durer.
...à suivre
Vous aimez ?